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QUAND LA FORÊT BRÛLE

Penser la nouvelle catastrophe écologique

Joëlle Zask, Premier parallèle, 2022

« Mégafeux ». Le terme a gagné en popularité dans les médias à l’été 2022, alors que des centaines d’hectares de forêts étaient en feu. Il est en vérité vieux d’une décennie, et désigne des phénomènes très différents des feux de forêts traditionnels. Par leur ampleur, certes, mais là n’est pas l’essentiel. C’est avant tout leur nature qui les distingue : échappant aux techniques classiques de contrôle du feu, ils sont associés dans l’imaginaire des hommes à une destruction irréversible, qui arase les paysages et rompt la transmission d’un habitat au monde. Le bel ouvrage de Joëlle Zask s’intéresse, par petites touches, à ces mégafeux pour repenser notre rapport à la nature.

Deux écueils sont pointés : d’une part celui qui consiste à idéaliser la nature ; d’autre part, celui qui promeut une rupture d’avec la nature pour tenter de la maîtriser intégralement. Chacune de ces deux tendances, qui saturent trop souvent les débats sur l’environnement, font fi des usages traditionnels du feu et de la forêt.

S’agissant du premier écueil, « romantique » pourrait-on dire, il est absurde de croire qu’il existe une nature vierge que l’homme pourrait habiter. Les hommes ont toujours façonné les paysages, sans pour autant sombrer dans un rapport purement technique de domination de la nature. Le feu fait partie de ces usages traditionnels dans de nombreuses régions du monde, pour préserver les paysages, pour fertiliser certaines terres, pour éviter la venue de feux plus amples et dangereux. Sur ces points, on saura gré à Joëlle Zask de citer bon nombre de travaux anglo-saxons, trop peu connus de ce côté de l’Atlantique. Ces paysages traditionnels ne sont ni objectifs ni subjectifs, ni donnés ni construits : il y a un rapport de coappartenance entre l’homme et le paysage. S’il faut entretenir les paysages, y compris par le feu, c’est pour transmettre un imaginaire à ceux qui nous survivront, et parce que les paysages dont on hérite sont partie prenante de notre identité et de notre sensibilité au monde.

Le second écueil est typiquement moderne. La foresterie scientifique a voulu éliminer les usages traditionnels du feu, pour maximiser le rendement des forêts. Ce faisant, nombre de pratiques ont abouti à fragiliser la forêt, la rendant plus sujette aux mégafeux… lesquels nous rappellent précisément cette part de nature qu’il est vain de vouloir contrôler. En plantant des espèces uniques sur de grandes parcelles, on affaiblit la forêt. En minant le domaine de la forêt avec des habitations et des routes (là où les usages traditionnels ménageaient des zones-tampon entre villages et forêts), on multiplie les départs de feu potentiels. Ivre de technique, l’homme moderne a, peu à peu, façonné un monde qui lui est devenu hostile. Et il est aujourd’hui hanté par la peur que ce monde parte en fumée – Joëlle Zask a des phrases saisissantes sur les conséquences psychologiques de ces mégafeux pour les populations limitrophes, condamnés à vivre dans la hantise que les flammes les dévorent.

Contre ces deux écueils, Joëlle Zask nous invite à repenser notre rapport à la nature. Adoptons cette phrase comme conclusion : « L’homme n’est pas le souverain de la nature, mais son accompagnateur et son assistant. Il partage avec elle un même futur. »

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