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LES COMMUNS

Édouard Jourdain, PUF-Que sais-je, 2021

Le thème des communs est en plein essor depuis plusieurs années, porté par la reconnaissance des travaux d’Elinor Ostrom (prix Nobel d’économie en 2009) et par plusieurs textes importants signés par Naomi Klein (Reclaiming the Commons, 2001), Michael Hardt et Antonio Negri (Commonwealth, 2009), ou Christian Laval et Pierre Dardot (Commun, 2014). Le « Que sais-je » d’Édouard Jourdain est une synthèse très claire et utile sur ce thème. Conceptuellement, les « communs » permettent de penser une troisième voie entre la propriété privée et l’État : le domaine du commun est celui d’usages concrets de communautés vivantes pour réguler l’accès à des biens – par exemple à des terres. Il se situe outre la distinction public/privé, qui est structurante pour la pensée moderne : ni le règne de la propriété privée, ni la gestion massifiée d’un domaine public par les États.

Le livre montre l’histoire du concept. Les communs sont nombreux dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Si la pensée moderne les a peu à peu oubliés, la faute en incombe largement à une mauvaise lecture que les légistes médiévaux ont fait du droit romain. Une étape centrale dans l’essor de la modernité, et du capitalisme, ainsi que l’avait bien vu Marx, fut le mouvement des enclosures, par lequel les terres communes se sont retrouvées privatisées – et une population nombreuse expropriée d’usages traditionnels. Édouard Jourdain couvre aussi les sujets beaucoup plus actuels : les communs numériques, les rapports entre comptabilité et communs, etc. Sur tous ces points, l’ouvrage doit être lu comme un programme de recherche très stimulant plutôt que comme une synthèse des acquis. C’est ce qui fait aussi son intérêt. Nous le rejoignons pleinement lorsque, citant Dardot et Laval, il fait de la « tragédie du non-commun » le grand drame de notre temps.

Dans la littérature sur les communs, un angle mort subsiste souvent : de quelles communautés parle-t-on ? Quelles sont les limites entre ceux qui accèdent à un bien commun et ceux qui n’y accèdent pas ? Dans ces travaux, Ostrom a montré que ce point est essentiel. Ainsi, parmi les huit principes essentiels au maintien des communs, elle insiste sur « les limites entre utilisateurs et non-utilisateurs : des limites claires et comprises de tous au plan local entre les utilisateurs légitimes et ceux qui ne le sont pas ». Ces points restent souvent en suspens, ou très flou, chez nombre d’auteurs qui traitent des communs : il ne faut cependant pas se bercer de l’illusion que les communs pourraient être universels. Fixer de tels critères est aussi l’un des enjeux qui se présentent à nous.

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