LA FRANCE VENDUE À LA DÉCOUPE
Entreprises, terres agricoles, immobilier, brevets, quand la France vend son avenir
Laurent Izard, L'Artilleur, 2019
Le livre de Laurent Izard frappe d’abord par l’abondance des exemples : des dizaines de fleurons de l’industrie française, passés sous pavillons étrangers suite à des opérations de fusion-acquisition ; des hectares de terres agricoles et de vignobles rachetés, tout comme des châteaux, des hôtels particuliers, des œuvres d’art, etc. Ainsi que le dit le titre, une France « vendue à la découpe ». L’énumération produit son effet : il est difficile de ne pas être convaincu.
Mais outre ce travail d’inventaire, l’ouvrage a aussi pour avantage d’ouvrir plusieurs pistes de réflexion utiles – qu’il serait bienvenu de creuser plus avant. La première touche à l’épineuse question de la nationalité des entreprises. Que signifie réellement le fait qu’une entreprise est « française », quand 70% de ses ventes sont réalisées à l’étranger, quand ses actionnaires sont majoritairement étrangers, parfois dans des proportions comparables, voire supérieures ? Il y a là un angle mort pour les économistes, sur lequel il faudra tôt ou tard se pencher. Les entreprises « françaises » détenues majoritairement hors de France prennent-elles des décisions plus favorables aux intérêts français que celles qui ne le sont pas ? Laurent Izard suggère que non ; il y a là une piste de recherche intéressante.
La seconde voie qui n’est qu’esquissée ici est celle qui touche aux dispositifs utilisés à l’étranger pour lutter contre certains investissements étrangers contraire aux intérêts stratégiques de la nation. Quelques paragraphes sont consacrés au CFIUS (Committee of Foreign Investment in the United States) américain, ainsi qu’aux dispositions utilisées au Canada, en Chine ou en Allemagne. Ces quelques exemples ont le mérite de nous montrer que ni l’OMC ni l’Union européenne ne sont des obstacles rédhibitoires à une certaine protection – c’est davantage la volonté politique qui manque. Laurent Izard montre, à cet égard, que les décrets permettant de bloquer certaines prises de participations étrangères en France (décrets Villepin et Montebourg) ne sont pas ou peu appliqués. S’agissant des mécanismes en place chez nos voisins, Laurent Izard ouvre une voie passionnante : ces dispositifs mériteraient d’être étudiés et évalués plus complétement.

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