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LA "RESPONSABILITÉ SOCIALE" DE L'ENTREPRISE:
UN MYTHE

Contexte

La « responsabilité sociale de l’entreprise » (RSE) et l’« investissement socialement responsable » (ISR) sont en plein essor.

  • La publication de rapports extra-financiers (notamment relatifs à la performance environnementale, sociale et à la gouvernance) est obligatoire depuis 2010 pour bon nombre d’entreprises.

  • De nombreuses entreprises non-sujettes à obligation communiquent également sur leur bilan en termes de RSE. Pour toutes les entreprises, la RSE occupe une part croissante de leur communication.

  • Quant à l’ISR, les encours sous gestion croissent à une vitesse rapide. Tant les entreprises que les fonds d’investissement déploient des efforts importants pour être labellisés « socialement responsables », et bénéficier de cette manne financière.

La RSE, une responsabilité abstraite, coupée des enjeux territoriaux

Si la RSE et l’ISR connaissent un tel essor, c’est avant tout en réponse à des préoccupations de plus en plus vives au sein de la population pour la qualité de l’environnement ou les conditions de travail. Ces préoccupations sont bien réelles, et il ne s’agit pas de les nier. Il faut en revanche affirmer que la RSE – telle qu’elle est aujourd’hui pensée – n’est, en aucun cas, le moyen adéquat de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux.

Pourquoi ? Parce que le concept de « responsabilité » dont il s’agit n’a rien de commun avec la responsabilité classique. Classiquement, ce sont toujours des personnes qui sont responsables, et qui doivent assumer les conséquences potentiellement néfastes de leurs actes. On est toujours « responsable de » quelque chose en particulier. A contrario, le discours derrière la RSE affirme que l’on peut être « responsable », tout court. Cela revient à rendre une entreprise « responsable » non pas d’actes particuliers, mais d’un état du monde dans son ensemble (le réchauffement climatique, la pauvreté en Afrique, etc.). À ce titre, la « responsabilité sociale » apparaît comme une construction abstraite inapte à corriger les nuisances réelles :

1. La RSE présuppose une hiérarchie universelle de valeurs, qui n’existe pas. Pour proclamer une entreprise « responsable » dans l’abstrait, sans référence à des actes particuliers, il faut la juger par rapport à certaines fins, dont on présuppose qu’elles forment une hiérarchie universelle. Or des communautés et des peuples peuvent juger différemment certaines fins. Le flou qui en résulte pourra être utilisé pour décrire comme « socialement responsables » des actions dont l’exact contraire aurait également pu être « socialement responsable ». Par exemple, est-il « socialement responsable » de respecter les mœurs traditionnels d’une communauté, ou de favoriser leur évolution vers des modèles plus « inclusifs » ? Est-il « socialement responsable » de favoriser les membres autochtones d’une communauté ou les migrants nouvellement arrivés ?

2. La RSE présuppose qu’une personne morale peut être responsable. Cela n’a guère de sens : de manière ultime, seules les personnes physiques peuvent être responsable. Or, la RSE promeut l’idée d’une entreprise qui pourrait être « responsable » sans que ni ses actionnaires ni ses dirigeants ne soient personnellement responsables des décisions prises au sein de l’entreprise. C’est le meilleur moyen de préserver une situation de grande irresponsabilité personnelle.

3. La responsabilité abstraite est un moyen de se soustraire à ses responsabilités concrètes. Par exemple, une entreprise polluant localement des terres pourra communiquer sur sa « responsabilité » en faisant des donations à une fondation. Tout en étant irresponsable vis-à-vis de terres concrètes, localisées, elle se montrera « responsable » vis-à-vis d’une entité abstraite (la « Terre » comme totalité). Ce brouillage du concept de responsabilité est très préjudiciable à l’établissement des responsabilités concrètes.

4. Le discours sur la RSE laisse penser que les entreprises pourraient, seules, apporter des réponses aux grands enjeux sociaux ou environnementaux – donc que l’on pourrait se passer des gouvernements. C’est une illusion : si certains enjeux sociaux et environnementaux sont si importants aujourd’hui, c’est précisément parce que nombre d’entreprises ont été incapables – par elles-mêmes – de les prendre suffisamment en compte par le passé.

Recommandations

Face au discours dominant sur la RSE, il convient d’affirmer un autre discours sur la responsabilité des entreprises, de leurs actionnaires et de leurs dirigeants :

  • La responsabilité n’est jamais quelque chose d’abstrait, mais toujours une responsabilité pour des dommages particuliers, causés à un milieu naturel localisé, à un territoire, à une communauté ou à un peuple particuliers.

  • La responsabilité a toujours une dimension personnelle : c’est une personne particulière qui prend des décisions qui sont bénéfiques ou nuisibles pour un territoire. Or, cette dimension personnelle de la responsabilité a presque entièrement disparu du droit des sociétés, car les sociétés bénéficient très largement de la responsabilité limitée (en d’autres termes, l’actionnaire d’une entreprise ne peut pas être tenu responsable des dégâts causés par son entreprise au-delà d’un montant égal à son investissement initial). Sans nécessairement remettre en cause la responsabilité limitée des actionnaires dans tous les cas, une responsabilité personnelle plus étendue doit être envisagée dans certains cas : notamment pour les dommages environnementaux, et dans les cas où des activités particulièrement risquées sont logées dans des filiales afin d’exonérer une maison-mère de ses responsabilités. Des actionnaires personnellement plus responsables auraient intérêt à s’assurer que les entreprises sont gérées de manière plus respectueuse de la nature et des communautés.

  • La notation RSE, qui attire énormément l’attention des investisseurs et des entreprises, doit être entièrement revue, pour se recentrer sur la responsabilité territoriale des entreprises. Une entreprise responsable ne l’est pas dans l’abstrait : c’est une entreprise qui est respectueuse des territoires où elle est implantée, donc des milieux naturels et des spécificités culturelles. Le développement d’une notation alternative à la notation RSE actuelle est un impératif.  

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