LES MONNAIES LOCALES DANS LES DYNAMIQUES DE TRANSITION
Yannick Lung, Apogée, 2022
Les monnaies locales, qui sont environ 80 sur le territoire français, ont suscité de grands espoirs depuis qu’elles sont apparues, au début des années 2010. Échangeables à parité contre l’euro, reconnues par la loi depuis 2014, leur principal bénéfice serait de reterritorialiser les échanges : une monnaie locale, en effet, ne peut être dépensée qu’auprès des commerçants locaux qui en sont partenaires.
Bien souvent, le discours qui entoure les monnaies locales pêche par excès de confusion ou d’abstraction. Outre la volonté de remettre les échanges au service d’une communauté locale – ce qui est évidemment louable –, d’autres valeurs sont souvent affirmées, sans que la manière dont la monnaie contribue à les faire vivre soit toujours très claire : volonté de lutter contre l’exclusion, de participer à la transition écologique, etc. Pour certains, les monnaies locales auraient même un potentiel révolutionnaire qui, à terme, menacerait les monnaies nationales.
Le grand mérite de l’ouvrage de Yannick Lung est celui de la transparence. Bien que l’auteur soit enthousiasmé par le potentiel des monnaies locales, il n’en perd pas sa lucidité. S’appuyant sur une étude couvrant la majorité des monnaies locales en France, il dresse un état des lieux franc. Certes, les monnaies locales permettent des échanges plus locaux, et certains exemples, tel celui de l’eusko, la monnaie la plus importante en France (et en Europe), sont intéressants. Mais, de manière générale, le bilan apparaît mitigé. Les montants en circulation sont souvent très faibles (la masse monétaire médiane d’une monnaie locale, en France, est inférieure à 20 000 euros). Les monnaies sont en outre soumises aux aléas d’engagements associatifs bénévoles, ou très dépendantes de subventions et de contrats aidés. Plusieurs monnaies locales ont dû cesser d’exister, souvent en raison de l’épuisement des équipes qui les portaient.
Au sortir du livre, on doute fort que les monnaies locales soient l’outil adéquat pour reterritorialiser les échanges et redonner une dimension davantage communautaire aux activités économiques. Les objectifs sous-jacents sont impérieux, mais ne faut-il pas plutôt envisager, pour développer les circuits courts et la relocalisation, une action politique volontariste, des obstacles politiques au libre-échange, un étiquetage plus clair des provenances, etc. ?

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