VIKTOR ORBAN
Douze ans au pouvoir
Collectif, Visegrad Post, 2022
Sur la Hongrie de Viktor Orbán, beaucoup de fantasmes circulent, soit pour faire de ce dernier le fossoyeur de la démocratie dans son pays, soit pour le parer de toutes les vertus dans sa tentative visant à faire émerger une alternative au seul individualisme libéral. Ce petit ouvrage collectif tente de dresser un état des lieux objectif des succès et des échecs de celui qui, après une première expérience du pouvoir entre 1998 et 2002, conduit la Hongrie depuis 2010. Ce faisant, l’ouvrage livre de nombreuses clés de compréhension trop rarement dévoilées.
Tout d’abord, sur la réforme constitutionnelle entrée en vigueur en 2012. Plus qu’une dérive autoritaire, celle-ci vise à mettre fin à une situation de flou juridique issue d’un passé lointain, qui laissait un pouvoir démesuré aux juges – souvent issus de l’ère soviétique –, lesquels s’arrogeaient fréquemment le droit de décider contre la volonté populaire. Ensuite, sur la vision du peuple et de son droit : là où l’Europe occidentale, par le biais notamment de l’Union européenne, ne considère que les droits de l’individu – devant être protégés par les juges, au besoin contre les États – Orbán voit avant tout les droits du peuple entendu comme communauté historique. La démocratie ne saurait donc se réduire à une « idée juridique » (Marcel Gauchet), mais est « souveraineté du peuple ». Le préambule de la Constitution hongroise le dit clairement, mettant l’accent sur « la protection de la communauté » et affirmant que « la liberté individuelle ne peut se réaliser qu’en coopération avec autrui ».
L’ouvrage dresse aussi un bilan nuancé de certaines politiques conduites par Orbán. Sur le front de la démographique, des mesures très fortes ont été prises pour tenter de faire remonter le taux de fécondité : aides fiscales, crédits subventionnés, etc., pour des montants supérieurs à tout autre pays européen. Bien que la Hongrie soit toujours très en-deçà du seuil de renouvellement des populations (autour de 2,1 enfants par femme), des progrès ont été accomplis : le taux de fécondité est passé de 1,25 enfants par femme en 2010 à 1,6 en 2021. Sur la même période, les mariages ont été plus nombreux et les divorces ont diminué. Sur le plan économique, l’ouvrage esquisse les dispositions prises pour contenir les prix de l’énergie qui, lorsqu’Orbán est arrivé au pouvoir, représentaient une dépense plus importante pour les ménages que l’alimentation. Tel n’est plus le cas aujourd’hui.
Aujourd’hui, la Hongrie fait face à de nouveaux défis. Ayant fait le choix d’une plus grande ouverture à l’Est, le conflit entre la Russie et l’Ukraine pourrait durement l’affecter – même si Orbán a adopté une position équilibrée entre les belligérants, à rebours de celle de nombreux dirigeants européens. Économiquement, le pays reste fragile, et rien ne garantit que les quelques succès obtenus depuis douze ans pourront être préservés sans dommages.

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